Un biopic hollywoodien dans l’ère du maccarthysme. Alors qu’il est au sommet de son art le scénariste Dalton Trumbo est accusé d’être communiste. Il sera emprisonné et fera partie de la Liste Noire de 1947. Cela ne l'empêchera pas de continuer à écrire ses scénarios dans l’ombre, sous couvert de fausses identités. Pour forger sa légende il pourra compter sur son talent et tel un artiste engagé il mettra à rude épreuve le clan familial en faisant front à la commission des activités antiaméricaines.

Pour incarner Dalton Trumbo on retrouve la présence remarquable de Bryan Cranston dont la réputation n’est plus à faire. Après avoir remporté quatre Emmy, un Golden Globe et trois Screen Actors Guild Awards pour la série "Breaking Bad". Le professeur de chimie démontre à nouveau qu’il est un grand acteur dans la peau de ce personnage. Nous parvenons à oublier Walter White qui laisse place au grand Dalton Trumbo, un personnage contradictoire doté d’une grande sensibilité tout comme l’acteur qui l’incarne. Le film parvient à démontrer que sans le soutien inconditionnel de sa famille Trumbo n’aurait pas résisté à ce point aux pressions qu’il subissait, il nous présente cet homme comme un vrai patriote plus qu’un réel communiste. Sa femme Cléo est incarnée par l’actrice Diane Lane, elle se révèle parfaite dans ce rôle de mère au foyer qui doit faire preuve d’une grande force pour protéger sa famille et pour vivre aux côtés de cet artiste engagé. Sa fille aînée avec qui les rapports sont tumultueux, Nikola Trumbo est jouée à merveille par Elle Fanning. L’actrice donne en effet, la fougue et le réalisme nécessaire à son personnage. La relation père/fille est bien traitée avec toutes les complexités qu’elle engendre, dans un esprit de rébellion. La redoutable ennemie de Dalton Trumbo est incarnée par l’actrice Helen Mirren qui joue avec talent le personnage d’Hedda Hopper, une chroniqueuse hollywoodienne mondaine qui après avoir tenté une carrière d’actrice a décidé de mettre à profit son énergie inépuisable pour écrire des chroniques. Elle était réputée à l’époque pour ses chapeaux extravagants recouverts de fleurs et de plumes, ce qui de ne l'empêchait pas de s’attaquer à des sujets sérieux dans ses chroniques en galvanisant les anticommunistes d’Hollywood et en décriant les patriotes en particulier Trumbo. Elle était déterminée à convaincre les Américains que les scénaristes patriotes étaient des traîtres en écrivant des articles diffamatoires et colportant les pires rumeurs, ses articles étaient lus par 35 millions de personnes. Selon Helen Mirren, Hedda Hopper croyait sincèrement qu’elle se battait pour défendre les intérêts des États Unis et pour des valeurs auxquelles adhéraient les Américains.

L’idée de ce film est venue au scénariste McNamara après avoir lu la biographie de Trumbo écrite par Bruce Cook mais surtout un article poignant écrit par la fille ainée de Dalton Trumbo intitulé “une enfance différente”. Pour donner le réalisme nécessaire à son film le scénariste a bénéficié de l’aide des proches de Dalton, ses filles, Mitzi et Nikola Trumbo, ce qui est réussi. Pour le producteur Michael London, Trumbo était un marginal opprimé par le système. Il avait la volonté d’affronter le pouvoir en place et de sacrifier sa propre carrière au nom d’une cause juste, il refusait de répondre à une question s’il risquait chemin faisant, d’être déloyal envers ses amis. Ce qu’il a payé très cher. Selon Roach l’histoire de la liste noire est fascinante de par ses résonances avec l'époque contemporaine. “On a parfois tendance à considérer que nos droits vont de soi” selon lui il est facile de défendre la liberté d’expression lorsque l’on tient des propos qui plaisent à l’opinion, mais comme il le souligne, la déclaration des droits de l’homme est conçue pour protéger des discours impopulaires, particulièrement en temps de crise. Il considère ce film comme un moyen de rappeler au monde l’importance de ces événements. Cependant la manière dont est traité l’aspect politique du film a bien du mal à nous convaincre tel un biopic hollywoodien dans l’air du temps. En effet certains passages de l’histoire sont survolés rapidement comme pour essayer de donner une consistance plus forte au film mais cela ne fonctionne pas vraiment et donne l’impression que le contexte historique a été survolé pour être prétexte à créer un scénario. Cet aspect un peu lisse étant sans doute destiné à viser un large public, laisse nos espoirs de spectateurs d’être transcendés par l’histoire de la Liste Noire à la dérive. Cependant l’histoire familiale quant à elle reste relatée de manière fidèle.

Un film enivrant qui prône l’importance de l’intégrité des hommes et de leurs convictions. Les acteurs brillants qui jalonnent le casting réussissent à nous emporter au coeur de la famille Trumbo et des difficultés qu’il y a à vivre aux côtés d’un artiste. Nous sommes plongés tel des voyageurs dans l’esprit de ce scénariste torturé pour notre plus grand bonheur.