Critique film
Publié le 08/10/2015 à 17:34 par Mehdi
Manos Sucias

8,5 /10
Depuis le port de Buenaventura, ville la plus dangereuse de Colombie, trois hommes embarquent pour un voyage sur les eaux sombres du Pacifique. Ils transportent une torpille contenant 100 kilos de cocaïne. Avec un filet de pêche pour seule couverture...
Pour son premier long métrage, Josef Kubota Wladyka a choisi de nous immerger dans l'univers de la jeunesse déshéritée d'une ville côtière colombienne, Buenaventura. Ce port est détenu par les paramilitaires, et pour s'en sortir, les jeunes n'ont que l'espoir d'être une star du football, ou un ponte du narcotraffic. Et avoir "les mains sales" (Manos sucias en espagnol).
C'est dans ce contexte que deux frères, Jacobo et Delio, se retrouvent après une longue période de séparation, pour l'accomplissement d'une mission de passeurs. Ils doivent transporter une "torpille" pleine de drogue, tractée par leur bateau de pêche, jusqu'à une zone de la côte pacifique.
On apprend, dès les premières scènes, que l'aîné Jacobo, a tout perdu, sa femme, sa maison, et son fils, abattu par les paramilitaires. Son cadet a lui fondé une famille, et s'adonne au foot et au rap, au lieu d'étudier comme le lui avait demandé son grand frère.
Les deux frères, qui voulaient échapper à un destin de délinquant, se voient, pour des raisons différentes, en prendre le chemin.
Le réalisateur, grâce à une caméra embarquée, filme au plus près l'aventure des deux jeunes frères. Les plans sont souvent en contre-plongée, zoomés sur le visage des deux acteurs, qui, pour leur premier film, semblent tellement professionnels. Les longs silences, seulement entrecoupés par une bande-son latino, sont propices aux moments d'émotion intenses, comme quand Jacobo conte la mort de son fils.
Les protagonistes font aussi face à la violence, et l'utilisent pour leur propre survie (les trafiquants de drogue ne sont pas des enfants de coeur), et, à dessein peut-être, les scènes de violence ne se passent jamais à bord de l'embarcation, comme si l'océan était le seul refuge à ces damnés de l'existence. Cela donne droit à moments d'introspection forts, comme ces marins qui partaient jadis sans savoir s'il reverrait le port qui les a vu naître.
Sans pourtant tomber dans la facilité du pathos, et sans exiger de ses héros une compassion qu'ils ne sauraient avoir, le réalisateur montre la survie dans un pays rongé par la corruption, les traffics, la mainmise des militaires et milices FARC sur le pouvoir local. Il montre aussi les choix difficiles que ces hommes ont à faire pour sauver les leurs. Ce n'est pourtant pas un film politique. Ni un énième film sur le narcotraffic. Pour moi, c'est un film épique, sur l'amour qui lie deux frères, et leur attachement à une terre (et par extension à une mer) qu'ils se résolvent difficilement à quitter. C'est un film indéniablement social.
Le fait que ce soit des quasi-amateurs qui jouent leur "propre" rôle, leur vécu, rapproche Josef Wladyka d'un réalisateur comme Ken Loach. Et cette aventure au coeur d'un territoire à l'abandon, au ban de la société de Bogota, me fait aussi tellement rappeler par ses paysages, ceux du film "Les bêtes du Sud sauvage". Les personnages de Jacobo et Delio sont les grands frères de Hushpuppy ; et comme dans le film de Behn Zeitlin, toute une communauté a participé à l'élaboration du film.
Au final, on aime à s'attacher à ces personnages, à leur destin. On frissonne quand ils risquent leur vie, on angoisse quand ils doivent prendre une décision qui engage leur propre survie.
Le film réussit à nous immerger dans l'aventure, sans jamais prendre en otage notre compassion. C'est juste l'histoire de deux frères, à un moment crucial de leur vie, sur la côte pacifique de la Colombie.
Regardez ce petit bijou, et vous verrez que leur histoire est finalement universelle...
C'est dans ce contexte que deux frères, Jacobo et Delio, se retrouvent après une longue période de séparation, pour l'accomplissement d'une mission de passeurs. Ils doivent transporter une "torpille" pleine de drogue, tractée par leur bateau de pêche, jusqu'à une zone de la côte pacifique.
On apprend, dès les premières scènes, que l'aîné Jacobo, a tout perdu, sa femme, sa maison, et son fils, abattu par les paramilitaires. Son cadet a lui fondé une famille, et s'adonne au foot et au rap, au lieu d'étudier comme le lui avait demandé son grand frère.
Les deux frères, qui voulaient échapper à un destin de délinquant, se voient, pour des raisons différentes, en prendre le chemin.
Le réalisateur, grâce à une caméra embarquée, filme au plus près l'aventure des deux jeunes frères. Les plans sont souvent en contre-plongée, zoomés sur le visage des deux acteurs, qui, pour leur premier film, semblent tellement professionnels. Les longs silences, seulement entrecoupés par une bande-son latino, sont propices aux moments d'émotion intenses, comme quand Jacobo conte la mort de son fils.
Les protagonistes font aussi face à la violence, et l'utilisent pour leur propre survie (les trafiquants de drogue ne sont pas des enfants de coeur), et, à dessein peut-être, les scènes de violence ne se passent jamais à bord de l'embarcation, comme si l'océan était le seul refuge à ces damnés de l'existence. Cela donne droit à moments d'introspection forts, comme ces marins qui partaient jadis sans savoir s'il reverrait le port qui les a vu naître.
Sans pourtant tomber dans la facilité du pathos, et sans exiger de ses héros une compassion qu'ils ne sauraient avoir, le réalisateur montre la survie dans un pays rongé par la corruption, les traffics, la mainmise des militaires et milices FARC sur le pouvoir local. Il montre aussi les choix difficiles que ces hommes ont à faire pour sauver les leurs. Ce n'est pourtant pas un film politique. Ni un énième film sur le narcotraffic. Pour moi, c'est un film épique, sur l'amour qui lie deux frères, et leur attachement à une terre (et par extension à une mer) qu'ils se résolvent difficilement à quitter. C'est un film indéniablement social.
Le fait que ce soit des quasi-amateurs qui jouent leur "propre" rôle, leur vécu, rapproche Josef Wladyka d'un réalisateur comme Ken Loach. Et cette aventure au coeur d'un territoire à l'abandon, au ban de la société de Bogota, me fait aussi tellement rappeler par ses paysages, ceux du film "Les bêtes du Sud sauvage". Les personnages de Jacobo et Delio sont les grands frères de Hushpuppy ; et comme dans le film de Behn Zeitlin, toute une communauté a participé à l'élaboration du film.
Au final, on aime à s'attacher à ces personnages, à leur destin. On frissonne quand ils risquent leur vie, on angoisse quand ils doivent prendre une décision qui engage leur propre survie.
Le film réussit à nous immerger dans l'aventure, sans jamais prendre en otage notre compassion. C'est juste l'histoire de deux frères, à un moment crucial de leur vie, sur la côte pacifique de la Colombie.
Regardez ce petit bijou, et vous verrez que leur histoire est finalement universelle...



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1 commentaire
Posté par didou le 10/10/2015 à 14h35
Cette critique me donne envie de le voir ..