Critique film
Publié le 07/12/2018 à 09h57 par Kévin Aubin
Les Chatouilles
8 /10

Odette a huit ans, elle aime danser et dessiner. Pourquoi se méfierait-elle d’un ami de ses parents qui lui propose de "jouer aux chatouilles" ? Adulte, Odette danse sa colère, libère sa parole et embrasse la vie...

Andréa Bescond est une danseuse qui brille dans différents genres de danse et participe en 2008 à la comédie musicale Rabbi Jacob. Elle y fait la connaissance de celui qui deviendra son compagnon, l’acteur Éric Métayer. Éric Métayer est un homme de théâtre avant tout mais joue également dans des films pour le cinéma, et prête sa voix pour certains dessins animés. Ils collaborent tous deux dès l’année suivante au théâtre dans la pièce Les 39 marches. La performance d'Andréa lui vaut une nomination au Molière de la révélation féminine. Elle continue de jouer dans des pièces jusqu’en 2015, année de sa renommée avec son spectacle Les Chatouilles ou la danse de la colère. Avec ce spectacle, l'actrice souhaite dénoncer les abus sexuels subis durant son enfance et se libérer d'un poids qu'elle gardait en elle depuis très longtemps.

En 2018, elle signe sa première réalisation en duo avec Éric Métayer, l’adaptation de son spectacle avec Les Chatouilles. Voilà un film qui sur le papier paraît semble des plus classiques en traitant d’un sujet grave, les violences sexuelles sur mineurs, alors que le résultat en est tout autre. Les deux réalisateurs ont bien compris que pour traiter un sujet aussi difficile, il fallait s’extirper du cheminement classique et attendu des spectateurs en amenant leur film sur un autre ton que le drame pur et dur. Ainsi, le ton humoristique est choisi pour mettre en scène les souffrances de la réalisatrice elle-même et c’est pour le moins inattendu. Il est vrai que le comique est pas mal appuyé durant tout le film et permet de parler plus ouvertement et intelligiblement d’un sujet sensible même si c’est parfois un peu déroutant. Mais les deux réalisateurs n’en n’oublient pas pour autant la gravité du sujet et leur film laisse place à des moments forts et impactants riche en émotions. Tout est résumé et dit dans ces scènes où parfois peu de mots suffisent à en dire long sur le sujet. Autre particularité du métrage, la mise en scène est pour le moins déstructurée dans le sens où des flashbacks sous forme de rêves viennent ponctuer le récit. Egalement, les violences sexuelles sont exprimées par le prisme de la danse avec des moments suspendus où la colère de notre héroïne prend vie. C’est un film où la poésie et l’art s’invitent pour supporter le récit d’horreur d’une enfance bafouée et c’est une expérience de cinéma qui se vit sur l’instant laissant pantois. Une œuvre dont on a envie de parler, d’en discuter autour de soi.

Andréa Bescond et Eric Métayer signent une réalisation pour le moins originale dont on ressent que le matériau d’origine est une pièce de théâtre. La mise en scène étonne autant qu’elle surprend, les décors restent minimalistes pour laisser libre cours aux acteurs, la photographie use de couleurs froides avec des tonalités pâles qui renforcent cette atmosphère lourde et pesante qui règne durant tout le film et la bande-son vit au rythme des scènes telle une symphonie imparfaite.

Andréa Bescond est aussi devant la caméra pour jouer son propre rôle. L’actrice y est exceptionnelle et donne tout de son être et offre une très belle performance. Elle est accompagnée par trois acteurs expérimentés, Karin Viard, Clovis Cornillac et Pierre Deladonchamps qui chacun à leur manière compose avec des personnages facilement identifiables. Tous trois tirent leur épingle du jeu à chacune de leur apparition. Quelques autres acteurs plus ou moins connus du public viennent compléter le casting dans des rôles là encore attachants qui font mouche.

Pour leur première réalisation, Andréa Bescond et Eric Métayer signent un drame fort et poignant où le mot art prend tout son sens. Ou comment traiter d’un sujet difficile autrement. Une œuvre qui en déconcertera plus d’uns mais qui ne laissera pas indifférent. Andréa Bescond est indéniablement la révélation du métrage et porte le film avec admiration.

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