Critique film
Publié le 13/12/2017 à 10h39 par Kévin Aubin
Detroit
10 /10

Été 1967. Les États-Unis connaissent une vague d’émeutes sans précédent. La guerre du Vietnam, vécue comme une intervention néocoloniale, et la ségrégation raciale nourrissent la contestation. À Detroit, alors que le climat est insurrectionnel depuis deux jours, des coups de feu sont entendus en pleine nuit à proximité d’une base de la Garde nationale. Les forces de l’ordre encerclent l’Algiers Motel d’où semblent provenir les détonations. Bafouant toute procédure, les policiers soumettent une poignée de clients de l’hôtel à un interrogatoire sadique pour extorquer leurs aveux. Le bilan sera très lourd : trois hommes, non armés, seront abattus à bout portant, et plusieurs autres blessés…

Kathryn Bigelow est avant tout artiste peintre avant qu'elle ne se lance dans le cinéma. Elle réalise son premier long-métrage en 1982, The Loveless, en collaboration avec Monty Montgomery. Ce n'est que cinq ans plus tard que la cinéaste se fait remarquer avec Aux frontières de l'aube, une modernisation radicale du mythe du vampire dont elle signe elle-même le scénario. En 1990, Kathryn Bigelow poursuit avec le thriller policier Blue Steel et s'impose comme une référence du cinéma d'action avec Point Break, sorti en 1991. S'en suivent quelques longs-métrages plus ou moins marquants. En 2009, la réalisatrice atteint la consécration avec Démineurs, qui reçoit pas moins de 75 prix internationaux. En 2012, la réalisatrice reste dans la thématique de la guerre avec Zero Dark Thirty, sur la traque d'Oussama Ben Laden par une unité des forces spéciales américaines.

En 2017, elle revient avec Detroit, évoquant les émeutes meurtrières ayant lieu dans cette ville du Michigan durant l'été 1967. Ce film est essentiel et se doit d'être vu par un plus grand nombre. Avec un réalisme saisissant, le film relate un événement majeur ayant eu lieu durant les émeutes de Detroit en 1967. Un événement qui symbolise à lui seul le racisme et qui résume parfaitement la situation vécue par les afro-américains à cette époque. Kathryn Bigelow apporte un soin tout particulier à la reconstitution de cet événement marquant qui se devait d'être connu de tous. Le film relate cette histoire avec minutie et intelligence pour montrer des faits réels qui ont malheureusement bien eu lieu. Le film se concentre durant près d'1h15 sur l'événement du motel Algiers et devient un huis clos glaçant qui en dit long sur les émeutes meurtrières durant cet été 1967. Le spectateur assiste impuissant à un interrogatoire impensable confrontant des policiers outrepassant leur fonction à des hommes noirs et des femmes blanches impuissants. Cette scène prend aux tripes tout de son long et paraît interminable tant la tension qui en résulte est palpable et ne fait que croître. En amont de cette scène, la réalisatrice dépeint une Amérique ravagée par le racisme et les inégalités, et surtout prend le soin de présenter chaque protagoniste avant que l'événement du motel ne se passe. Le spectateur s'attache donc très fortement aux personnages dont la réalisatrice révèle leur vie intime même brièvement pour montrer que tous sont des êtres humains à part entière. C'est pourquoi l'impact de la scène centrale du film est si lourde de sens et dure à appréhender. Qui plus est, Kathryn Bigelow rythme son récit par des images d'archives relatant les faits des émeutes et qui s'avèrent essentielles pour appuyer le propos du film.

Dans un style docu-fiction que certains pourrait rebuter, la réalisatrice signe une plongée ultra-immersive authentique et sans concession. Cela se ressent bien évidemment dans la réalisation du film. La mise en scène caméra à l'épaule est extraordinaire, les décors grandeur nature de la ville de Detroit et principalement le motel d'Algiers sont d'un réalisme confondant, la photographie très pâles avec des couleurs ternes et froides donnent le ton du film qui se veut authentique et réaliste, et la bande-son bénéficie de sons stridents et de mélodies anxiogènes voire suffocantes. Pendant près de 2h15, la réalisatrice assène un coup poing à son spectateur de par une réalisation juste parfaite. Les acteurs du film plus moins connus du grand public sont tous exemplaires. Tous s'accordent à rendre hommage à un événement majeur du 20ème siècle en se donnant corps et âme dans des personnages profondément humains.

Will Poulter est terrifiant dans le rôle du policier raciste et qui s'octroie tous les droits. Certainement l'un de ses meilleurs rôles qui confirme son talent d'acteur. John Boyega est touchant dans le rôle d'un agent de sécurité conscient de la situation des noirs à cette époque, et toujours dans la réflexion pour bien agir. La révélation du film est indubitablement Algee Smith, jeune chanteur et acteur, il crève l'écran et est un jeune homme à suivre de très près.

Pour sa nouvelle réalisation, Kathryn Bigelow impressionne avec une œuvre riche, intense et qui ouvre une réflexion cruciale sur le racisme. Un film qui marque son spectateur et qui fera date en cette année 2017. Immanquable !

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