Sorti en août aux États-Unis, "Crazy Rich Asians" est numéro 1 au box-office depuis 3 semaines. Le film fait un triomphe, même s’il est loin d’être épargné par les critiques.
Une comédie romantique
Crazy Rich Asians est une comédie romantique, un genre dans lequel les Britanniques savent exceller mais un genre rare ces derniers temps à Hollywood. Si bien qu’on aurait pu croire que ce type de films ne faisait plus recettes. Le succès de cette comédie prouve au contraire que les comédies romantiques ne sont pas mortes ! Ouf.
L’intrigue est une sorte de "Pride and Prejudice" moderne ("Orgueil et Préjugés" en français), ce roman de Jane Austen qui commence par ces lignes :
"It is a truth universally acknowledged that a single man in possession of a good fortune must be in want of a wife"
"C’est une vérité universellement reconnue qu’un célibataire pourvu d’une belle fortune doit avoir envie de se marier"
Le "Monsieur Darcy" de "Crazy Rich Asians" s’appelle Nick Young (Henry Golding). Physique et sourire de gendre idéal, Nick est professeur à NYU (prononcer N-why-yu), l’université de New York située au c½ur de Manhattan. Il entretient une relation depuis plus un an avec l’une de ses collègues, Rachel, qui est professeur d’économie dans la même université.
Nick l’invite à l’accompagner à Singapour pour assister au mariage qui a lieu dans sa famille. Il lui dit qu’après un an de relation, il est temps qu’elle les rencontre : "It’s time we go on an adventure east" lui dit-il. Traduire par "Il est temps qu’on fasse un voyage à l’est". Ce à quoi Rachel répond naïvement : "Tu veux dire dans le Queens ?" (Le Queens étant un quartier de New York situé à l’est de Manhattan). Nick de préciser : "Non, à Singapour".
Ce voyage à Singapour va être l’occasion pour Rachel de rencontrer la famille de son cher et tendre, mais aussi de découvrir qu’il appartient à la famille la plus riche de l’île, ce qu’il lui avait caché.
Constance Wu est Rachel, l’héroïne principale
Une comédie asiatique, un pari risqué
Adapté du best-seller de Kevin Kwan (publié en 2013), le film repose un casting exclusivement asiatique, pour la première fois depuis 25 ans ! Un premier défi pour le réalisateur, Jon Chu : lorsqu’il a décidé d’adapter le roman au cinéma, on lui a demandé de faire une petite entorse à l’intrigue et de transformer le personnage de Rachel en femme "caucasienne", comme on dit aux États-Unis (soit blanche) pour que les lectrices s’identifient au personnage. Hors de question pour Jon Chu, le film est une comédie fièrement asiatique et le restera ! Il est non seulement porté par un casting 100% asiatique, mais mêle de surcroît plusieurs langues : anglais, mandarin, cantonnais.
Ce casting "100% asiatique" a d’ailleurs été l’objet de critique bien avant la sortie du film : on lui reproche de pas être Asian enough ("pas suffisamment asiatique"). Le principal visé par la critique n’est autre que Henry Golding (Nick), d’origine anglo-malaysienne. L’actrice Sonoya Mizuno a quant à elle des origines japonaises, britanniques et argentines alors que Constance Wu (Rachel) a immigré aux États-Unis lorsqu’elle était enfant.
Si le film avait tout d’un pari, il repose en outre, sur deux acteurs inconnus du grand écran : si Constance Wu joue dans la série de la chaine ABC "Fresh Off the Boat" et Henry Golding, lui était présentateur d’une émission de voyage sur la BBC !
Henry Golding, ancien présentateur de la BBC ne serait pas "suffisamment asiatique" pour certaines critiques
Un clash culturel et social
Au-delà de l’intrigue romantique à la Cendrillon, le film aborde les thèmes de l’identité et de l’assimilation. Il présente en effet un clash culturel entre Asian Americans et Singapouriens.
Pour Eleanor, la mère de Nick, en tant que American Born Chinese (chinoise née aux États-Unis), Rachel est plus Américaine que Chinoise : même si l’on des traits asiatiques, si l’on est né et a été éduqué aux États-Unis signifie pour elle, que l’on est "américain de c½ur". Une idée inconcevable pour une famille qui a à c½ur le respect d’anciennes traditions chinoises. Une vision résumée par l’amie de Rachel : "elle pense tout simplement que tu es une banane : jaune à l’extérieur et blanche à l’intérieur".
Eleanor oppose la poursuite du bonheur individuel qui pour elle, caractérise la société américaine à l’idée que les Chinois placent famille d’abord et sont prêts à se sacrifier pour elle. Ce qui est attendu de Nick, vous le verrez dans le film.
Au-delà d’un clash culturel, l’intrigue présente également un clash social : Rachel appartient à la working class et a été élevée par une mère célibataire. On peut dire que les personnages appartiennent à 3 catégories : the old rich (les "vrais"), les nouveaux riches (ou parvenus) et la working class. Les nouveaux riches sont incarnés avec brio par la famille de l’hilarante Goh Peik Lin : blin bling à souhait, ils sont les rois du mauvais goût !
Une glorification de la richesse ?
Le film est taxé de glorifier la richesse. Tout est en effet, luxe, bling bling et ostentation. Une réplique caractérise d’ailleurs ainsi la famille Young : "Ces gens-là ne sont pas riches, ils sont crazy rich". Pour prendre un exemple, la scène du mariage a été évaluée par le magazine américain spécialisé dans les mariages, The Knot, à 40 millions de dollars ! Il faut bien avouer que cette scène est absolument magnifique : la mariée qui descend l’allée centrale est époustouflante de beauté !
La scène du Mahjong : une scène clé
Le Mahjong se joue avec ces dominos
Au début du film, Rachel utilise le poker pour montrer à ses étudiants que "la clé est de jouer pour gagner, au lieu d’essayer de ne pas perdre". Si la main qui est en sa possession est bien plus faible que celle de son adversaire, elle bluffe à outrance, ce qui amène ce dernier à se coucher et à perdre la partie.
Plus tard, la scène du Mahjong est une scène clé bien que quelque peu énigmatique pour les noms initiés. Une sorte de "duel de dominos" entre Eleanor et Rachel. Le Mahjong est un jeu que l’on compare le plus souvent au gin rami. Parfois appelé, le "poker chinois", il est originaire de Chine mais se joue dans tous les pays asiatiques. Il est si populaire qu’on le qualifie de "loisir national" et qui, comme le poker, requière d'avoir un mental solide. Précisons qu’il n’est néanmoins pas nécessaire de maîtriser le jeu pour comprendre l’enjeu de cette scène et ce qu’elle symbolise.
La rappeuse Awkwafina apparaît en blonde dans le film
Ma conclusion...
La sortie de ce film aux États-Unis a fait l’objet d’une promotion qui a engendré une saturation. C’est donc sans trop d’attentes que je suis allée voir ce film, qui je dois dire, s’est révélé être une belle surprise. Malgré les quelques clichés, il est porté par des acteurs impeccables et des dialogues souvent hilarants (et déjà cultes).
Avec une mention très spéciale pour l’actrice au nom de scène des plus étranges, Awkwafina (Goh Peik Lin), une rappeuse née dans le Queens qui s’est fait connaître sur YouTube. Elle incarne les nouveaux riches (et leur mauvais goût !). Cette fashionista décalée est hilarante, une sorte de Fashion Week à elle toute seule, genre "Le Diable s’habille en Prada". Pas sûre cependant que la traduction française rende son argot/patois inclassable.
Pari réussi pour Jon Chu !
"Crazy Rich Asians" sortira en France en octobre.