Critique film
Publié le 26/01/2018 à 11h09 par Kévin Aubin
A Beautiful Day
10 /10

La fille d’un sénateur disparaît. Joe, un vétéran brutal et torturé, se lance à sa recherche. Confronté à un déferlement de vengeance et de corruption, il est entraîné malgré lui dans une spirale de violence...

Lynne Ramsay s'impose très tôt sur le monde du cinéma alors qu'elle voit son film de fin d'études, un court métrage à vignettes intitulé Small Deaths, couronné du Prix du Jury au Festival de Cannes en 1996. En 1999, elle réalise son premier long, Ratcatcher, resté inédit en France qui lui vaut le prix du Meilleur Espoir Britannique aux Baftas. Elle revient en 2003 avec le drame Le Voyage de Morvern Callar, un second long porté par l'impressionnante présence de Samantha Morton, et marqué d'une forte empreinte personnelle. En 2011, la réalisatrice atteint la consécration avec We Need to Talk about Kevin, adaptation glaçante du roman de Lionel Shriver récompensé d'un prestigieux prix aux London Critics' Circle 2012.

En 2017, elle revient avec son quatrième long-métrage, A Beautiful Day, adaptation du roman de Jonathan Ames intitulé "Tu n'as jamais vraiment été là". Le film a été récompensé du Prix d'interprétation masculine pour Joaquin Phoenix et du Prix du scénario pour Lynne Ramsay au dernier Festival de Cannes. Autant le dire tout de suite, ce film n'est pas fait pour plaire à tout le monde et la réalisatrice impose sa patte stylistique d'emblée. Dès les premières minutes, on est saisit par le réalisme cru, le cadre très épuré, où le spectateur n'a pas le temps de savoir ce qui se passe. Directement immiscé dans l'histoire de cette homme torturé psychologiquement et physiquement, le spectateur ne va pas s'attendre à subir un uppercut dont il n'est pas prêt de se relever. Une plongée en enfer s'annonce et c'est difficile à encaisser. Un puissant drame psychologique qui se vit comme une expérience à part entière. Un cinéma de genre qui s'assume de bout en bout où jamais on aura aussi bien réussi à nous embarquer dans le mental d'un être complexe, traumatisé, violent et dépressif. C'est incroyablement barré, lent à la limite de la contemplation parfois où la violence est bien plus psychologique que physique. Le rythme est soutenu au vu de la courte durée du film, 1h25, et regorge d'idées scénaristiques et visuelles. Les rebondissements arrivent sèchement sans que le spectateur n'est le temps de réagir avec des situations tantôt expéditives tantôt lentes, et entrecoupées de flashbacks. Narrativement, on peut s'interroger sur le bien fondé du Prix du scénario attribué au film tant c'est du vu et revu voire et très simple. Néanmoins il faut bien avouer que l'histoire prend quand même aux tripes et que parfois peu de mots suffisent pour tout dire. Le film comportant peu de dialogues où les images parlent d'elles-mêmes, visuellement bluffant.

Et c'est sans compter sur la réalisation menée d'une main de maître par Lynne Ramsay que le film arrive à atteindre des sommets. La mise en scène est sèche, épurée et élégante, les décors minimalistes réduits a des espaces clos apportent cette sensation d'oppression constante du film, la photographie électrique voire magnétique est d'une beauté sidérante et la bande-son signée Jonny Greenwood est phénoménale en imprimant une tension extrême qui reste en tête. Une réalisation qui va de pair avec le film, tous deux expérimentaux.

Joaquin Phoenix incarne Joe, un homme au passé chargé et énigmatique soumis à des pulsions violentes incontrôlables. L'acteur est monumental et mérite amplement son Prix d'interprétation masculine. Il est partout, voit tout, entend tout, et vient à bout de tout... Un rôle à sa mesure où il est investit corps et âme. Les quelques autres acteurs présents à l'écran ne font que quelques apparitions mais on sent leur implication. Mention spéciale à la jeune Ekaterina Samsonov à la fois simple et naturelle qui parvient parfaitement à contrebalancer la personnalité difficile à saisir de Joe.

Pour sa nouvelle réalisation, Lynne Ramsay confirme son talent de réalisatrice en signant une œuvre à vivre comme une pure expérience de cinéma. Si le film en déstabilisera plus d'un, il est assurément la consécration d'un acteur pas assez reconnu et récompensé dans le milieu cinématographique. Un film qui passe à une vitesse ahurissante dont vous vous souviendrez longtemps.

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