Critique film
Publié le 12/06/2018 à 14h23 par Kévin Aubin
L'Homme qui Tua Don Quichotte
6 /10

Toby, un jeune réalisateur de pub cynique et désabusé, se retrouve pris au piège des folles illusions d’un vieux cordonnier espagnol convaincu d’être Don Quichotte. Embarqué dans une folle aventure de plus en plus surréaliste, Toby se retrouve confronté aux conséquences tragiques d’un film qu’il a réalisé au temps de sa jeunesse idéaliste: ce film d’étudiant adapté de Cervantès a changé pour toujours les rêves et les espoirs de tout un petit village espagnol. Toby saura-t-il se racheter et retrouver un peu d’humanité? Don Quichotte survivra-t-il à sa folie? Ou l’amour triomphera-t-il de tout ?

Terry Gilliam débute une carrière de dessinateur avant d'être invité à rejoindre la troupe comique des Monty Python. Commence alors une grande aventure dans le domaine de l'absurde, que ce soit à la télévision avec des programmes particulièrement populaires, ou au cinéma avec des films désormais cultes. En 1977, il se lance seul dans la réalisation de son premier long-métrage avec Jabberwocky, qui dévoile déjà la facette fantaisiste et hors-norme du cinéaste. En 1985, son troisième film Brazil est une oeuvre visionnaire que beaucoup considèrent comme son plus grand film. Ses longs-métrages suivants restent emprunts de fantastique avec un petit retour à la réalité en adaptant le roman Las Vegas parano de hunter S. Thompson. En 2001, Terry Gilliam débute le tournage de L'Homme qui tua Don Quichotte mais les déboires s'accumulent et le projet tombe à l'eau. Deux ans plus tard sortira en salles le documentaire Lost in la mancha, qui retrace le tournage-catastrophe de ce film maudit. Se remettant peu à peu de cet échec, le réalisateur refroidi par la machine hollywoodienne se tourne vers des projets plus intimes mais qui ne trouvent malheureusement pas leur public.

En 2018, le cinéaste n'ayant pas abandonné l'idée de porter le héros de la Mancha sur grand écran, sort enfin L'Homme qui tua Don Quichotte. Le réalisateur livre sa version personnelle de "Don Quichotte" de Cervantès, et après plus d'une vingtaine d'années d'attente, le projet en valait-il la chandelle ? Qu'on se le dise, le film n'est pas celui espéré et tant attendu. Film d'aventure teinté de fantastique, une œuvre cinématographique foisonnante d'idées qui permet à son réalisateur d'exprimer tout son talent au service d'une histoire malmenée et qui malmène ses spectateurs. Pour qui n'est pas réceptif au style Gilliam alors ce film en laissera plus d'un sur la touche. Pour les aficionados, ils y verront une tentative bien veine de porter un projet de longue date s'annonçant comme spectaculaire. Non pas que le film soit mauvais mais il ne tient pas sur la durée. Le métrage enchaîne des scènes plus ou moins convaincantes avec des rebondissements pas toujours efficaces et des dialogues qui manquent parfois de saveur. Les idées fusent dans tous les sens sans y voit très clairement un lien entre elles. La faute à un mélange réalité/rêve brouillon où le réalisateur ne sait pas toujours sur quel pied danser quitte à perdre le spectateur. Inutilement alambiqué et assurément dépassé par ses ambitions, ce film avait tout pour plaire à un large public mais est bien trop "perché" pour que l'on y adhère totalement. Pourtant les personnages suscitent l'intérêt, l'humour est bien présent et des fulgurances viennent blanchir le tableau. Là où le bas blesse est cette sensation d'amateurisme présente tout le long du film. A trop vouloir en faire, l'ensemble finit par sombrer dans le grand-guignolesque mais pas celui que l'on pouvait attendre.

Terry Gilliam s'amuse à filmer une histoire qu'il porte en lui depuis très longtemps mais la réalisation est loin d'être à la hauteur. La mise en scène aux allures spectaculaires init par se perde, les décors sont de bonne facture, la photographie fourmille de couleurs et jour sur les tonalités pour appuyer une ambiance au souffle épique et la bande-son est bien rythmée avec des mélodies aventureuses. Une réalisation en demi-teinte qu'on aurait aimé plus affirmée dans le sens de l'aventure avec un grand A.

Le film est porté par un duo d'acteurs épatant en les personnes de Jonathan Pryce et Adam Driver. Le Don Quichotte incarné par Jonathan Pryce fou dans le bon sens du terme, attendrissant, atypique et le spectateur s'y attache facilement. L'acteur est parfait dans le rôle et y fait honneur. Adam Driver est l'homme de toutes les situations, là où on ne l'attend pas et prouve une fois de plus qu'il peut tout jouer. Volant la vedette à de nombreuses reprises à Jonathan "Don Quichotte" Pryce, il arrive à mener le film tout de son long. Les seconds rôles sont eux sous-exploités et ne servent pas toujours le récit.

Pour sa nouvelle réalisation, Terry Gilliam porte enfin sur grand écran son interprétation de Don Quichotte, projet inespéré qu'il aura mené jusqu'au bout. Rien que pour cela, le film vaut que l'on s'y attarde un temps soit peu. Dommage que le résultat espéré et attendu ne soit pas au rendez-vous malgré un duo d'acteurs pleinement investis.

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