Critique film
Publié le 13/12/2017 à 10h31 par Kévin Aubin
Le Redoutable
10 /10

Paris 1967. Jean-Luc Godard, le cinéaste le plus en vue de sa génération, tourne La Chinoise avec la femme qu'il aime, Anne Wiazemsky, de 20 ans sa cadette. Ils sont heureux, amoureux, séduisants, ils se marient. Mais la réception du film à sa sortie enclenche chez Jean-Luc une remise en question profonde. Mai 68 va amplifier le processus, et la crise que traverse Jean-Luc va le transformer profondément passant de cinéaste star en artiste maoiste hors système aussi incompris qu'incompréhensible.

Michel Hazanavicius débute sa carrière en 1988 sur petit écran, travaillant notamment sur Canal + aux côtés de la troupe comique des Nuls. Sur la chaîne cryptée, il gravit les échelons rapidement, de stagiaire à scénariste de sketches. Très vite, l'envie de réaliser démange Michel Hazanavicius. Il passe donc à la réalisation de publicités, de programmes courts et d'émissions pour la télévision. Mais ce n'est qu'en 2004 qu'il passe à la réalisation de son premier long-métrage avec Mes amis, dans lequel il donne le rôle principal à son frère Serge. En 2006, sa carrière franchit un cap supplémentaire avec la réalisation du film d'espionnage décalé OSS 117, Le Caire nid d'espions porté par Jean Dujardin. Trois ans plus tard il met en scène la suite des aventures de l'espion français avec OSS 117 : Rio ne répond plus. Michel Hazanavicius accède à la notoriété internationale avec The Artist, film muet en noir et blanc, unanimement loué dans le monde et récompensé partout où il passe. En 2014, il change de registre avec le drame The Search qui retrace l’histoire d’un soldat américain tentant d’aider un garçon à retrouver sa mère dans le Berlin de l’après-guerre.

En 2017, il revient à la comédie avec l'adaptation inspirée du livre Un an après écrit par l'ex femme de Jean-Luc Godard, Anne Wiazemsky. Un Biopic non conventionnel sur le réalisateur français Jean-Luc Godard décadent et décapant. Irrévérencieux au possible, ne se prenant pas au sérieux, et ne cherchant pas à faire comme les autres films du même genre, Michel Hazanavicius livre un portrait du cinéaste hors des plateaux de cinéma pour le montrer tel qu'il est dans la vie de tous les jours. Le cinéaste est présenté comme un homme fier, jaloux, un tantinet comique et cherchant à tout prix à faire la différence, et surtout à se faire remarquer. Michel Hazanavicius se concentre sur la période où Jean-Luc Godard était adulé et reconnu, et où tout a basculé pour le cinéaste avec les événements de Mai 68, l'incitant a changé son cinéma, à expérimenter de nouvelles choses. Mais c'est aussi à cette époque qu'il noue une relation avec Anne Wiazemsky, qui deviendra sa femme. Sur cette courte période, Michel Hazanavicius montre un homme tiraillé, éperdument amoureux, qui se lance dans de nouveaux projets au détriment de l'avis de ses amis et même de son épouse. Il arrive à partir d'un personnage antipathique et détestable à faire une comédie aux trouvailles visuelles et comiques remarquables. Les rebondissements s'enchaînent à un rythme effréné dans un film décomposé en plusieurs chapitres. Des chapitres qui réservent bon nombre de surprises pour le meilleur et pour le rire. L'inventivité du réalisateur et son envie de mettre en scène un petit bout de la vie de Godard en cassant les codes de la cinématographie, c'est juste incroyable. Il faut le voir pour comprendre à quel point ce film est intelligent aussi bien sur le fond que sur la forme.

En qualité de réalisateur, Michel Hazanavicius exprime toute l'étendue de son talent. La mise en scène diverge dans chaque chapitre et cette impression de voir le film se réinventer constamment est un plaisir cinéphilique garanti, les décors restituent parfaitement l'ambiance décadente de l'époque des sixties et le dépaysement est assuré, la photographie est utilisée de façon très ingénieuse et en jouant avec, le réalisateur propose des envolés visuelles inattendues et bienvenues, et la bande-son ne manque pas de mordant. La réalisation est indéniablement ce qui vous fait aller voir le film car elle est pour ainsi dire exceptionnelle.

Pour interpréter Jean-Luc Godard, Louis Garrel est l'homme de la situation voire de toutes les situations. Il amène une palette de nuances dans l'interprétation de son personnage qui l'humanise, le rend crédible face caméra. Habitué des seconds rôles, il trouve ici un premier rôle à sa mesure qui prouve que le cinéma français ne peut pas faire sans lui. Pour l'accompagner, c'est une jeune actrice franco-britannique qui lui donne la réplique. De par sa beauté naturelle et une certaine candeur, elle campe une jeune femme plein de sentiments, à la personnalité malléable qui va peu à peu se révéler et s'affirmer. Un duo fusionnel à l'écran dont l'interprétation de chacun des deux acteurs est le point d'orgue du film. Dans des rôles secondaires on retrouve notamment Bérénice Bejo et Micha Lescot, qui malgré leur temps de présence à l'écran limité, arrivent à se faire remarquer et tirer leur épingle du jeu. Mention spéciale à un réalisateur bien connu des français qui fait une apparition remarquée à mourir de rire.

Pour sa nouvelle réalisation, Michel Hazanavicius s'affranchit des conventions du Biopic bien connues pour offrir aux spectateurs un pur bonheur cinématographique. Riche visuellement et scénaristiquement, un objet filmique parfois non identifié à voir d'urgence !

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