Critique film
Publié le 13/12/2017 à 10h32 par Kévin Aubin
Nos Années Folles
6,5 /10

La véritable histoire de Paul qui, après deux années au front, se mutile et déserte. Pour le cacher, son épouse Louise le travestit en femme. Dans le Paris des Années Folles, il devient Suzanne. En 1925, enfin amnistié, Suzanne tentera de redevenir Paul…

André Téchiné passe une grande partie de son adolescence provinciale à hanter les salles de cinéma. C'est donc en toute logique qu'il se lance dans une carrière cinématographique. D'abord critique pour Les Cahiers du Cinéma, il passe ensuite par différents métiers allant d'assistant réalisateur, scénariste, à réalisateur. Il signe son premier long-métrage en 1967 (il ne sort qu'en 1975) avec Paulina s'en va mettant en scène Bulle Ogier. Cette première réalisation déconcerte les spectateurs, et c'est alors qu'il signe un second film plus classique avec Souvenirs d'en France. Reçu plus chaleureusement par la critique et le public, sa carrière est ainsi lancée. Va s'en suivre bon nombre de métrages avec aussi bien des acteurs novices que des pointures du cinéma français. Téchiné alterne entre des grands récits romanesques des histoires intimistes, souvent à tonalité autobiographique. Il aborde plusieurs sujets liés aux m½urs et à l'évolution de la société contemporaine tels que l'homosexualité, le divorce, l'adultère, le délitement familial, la prostitution, la délinquance, la toxicomanie ou encore le sida. Une filmographie couronnée du Prix René-Clair en 2003.

En 2017, il revient avec Nos années folles, tiré d’une histoire vraie, relatée dans le roman "La garçonne et l'assassin : histoire de Louise et de Paul, déserteur travesti, dans le Paris des Années folles", écrit par Fabrice Virgili et Danièle Voldman, paru en 2011. André Téchiné évite la simple reconstitution et de faire un film d'époque souhaitant davantage se concentrer sur les sentiments des personnages. Ainsi, il signe un drame intense sur la relation amoureuse et tumultueuse du couple Grappe, au détriment d'une narration parfois trop éclatée et difficile à appréhender. Sous forme de tableaux, il déroule une histoire d'amour intéressante mais qui a du mal à trouver son rythme. Certains passages racontant des moments importants de la relation entre Paul et Louise Grappe ne sont que survolés, d'autres manquent d'intérêt, et d'autres trainent en longueur. Le film se perd à vouloir montrer absolument les ressentis des personnages, et surtout la psychologie de Paul/Suzanne Grappe. Certes, le personnage central demeure celui de Paul Grappe et de son alter ego féminin mais celui de Louise est tout aussi essentiel dans le récit. Au fur et à mesure que l'histoire se déroule, on a cette impression que Louise est éclipsée par Paul alors que tous deux ont leur importance. Cette sensation de montrer les moindres faits et gestes de Paul/Suzanne finit par devenir routinier. Le problème essentiel à soulever est que trop de sujets sont traiter, ce qui donne lieu à des raccourcis à profusion et quelques longueurs se font sentir. L'équilibre entre les thèmes aborder et les deux personnages a du mal à se trouver et l'ensemble tourne un peu en rond. Malgré tout, cette histoire vraie mérite qu'on la connaisse et le spectateur arrive à s'identifier au couple et au pourquoi de leur inéluctable chute. Si on ne s'ennuie pas, on se perd parfois dans la temporalité du récit et dans ce qu'il veut vraiment nous raconter.

Et c'est d'ailleurs dans la réalisation, qu'André Téchiné peine à convaincre totalement. La mise en scène centrée sur les personnages est classieuse, les décors d'époque sont bien retranscrits, la photographie évitant la nostalgie d'antan est lumineuse et la bande-son est bien pensée. Si techniquement le film est irréprochable, c'est bien dans la narration du récit mise en boîte que cela pêche. Le spectateur se retrouve perdu entre passé et présent, et entrecouper l'histoire sans logique de temps est ici mal amené. Une réalisation plus linéaire et moins saccadée aurait été plus judicieuse.

Le couple formé par Pierre Deladonchamps et Céline Sallette fait merveille face caméra. Lui compose un personnage à la double personnalité homme/femme fascinant et décadent. Son jeu d'acteur est naturel et il ne surjoue que dans de très rares occasions. Un rôle en or pour un acteur au sommet de art. Elle est comme toujours sublime et impliquée dans ce qu'elle fait. Jamais là où on l'attend, elle fait le choix de jouer dans des films moins grand public qui lui permettent d'exprimer tout son potentiel d'actrice. Mention spéciale à Michel Fau, comédien émérite, qui fait de chacune de ses apparitions des petits moments savoureux et divertissants.

Pour sa nouvelle réalisation, André Téchiné ne retrouve pas la verve de ses précédents films, et signe un drame intéressant à suivre et à regarder mais qui manque de profondeur. Le jeu des acteurs étant le point fort du métrage.

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