Critique film
Publié le 05/06/2018 à 14h03 par Floriane
Désobéissance
9 /10

Une jeune femme juive-orthodoxe, retourne chez elle après la mort de son père. Mais sa réapparition provoque quelques tensions au sein de la communauté lorsqu'elle avoue à sa meilleure amie les sentiments qu'elle éprouve à son égard...

Lauréat de l'Oscar 2018 du Meilleur film en langue étrangère pour sa "Femme Fantastique", le réalisateur Sébastian Lelio s'éloigne de son Chili natal pour se plonger dans une communauté juive-orthodoxe de Londres. Adapté du livre éponyme de la romancière et conceptrice de jeux vidéo britannique, Naomi Alderman, "Désobéissance" est un projet initié par Rachel Weisz, qui endosse pour la première fois la double casquette d'actrice/productrice.

Attirée par ce récit où il est question de transgression au féminin, l'actrice y incarne le rôle de Ronit, une femme ayant fui les siens en s'installant à New York, mais qui se voit dans l'obligation de revenir quand son père, le rabbin, décède. Elle y retrouve alors les dogmes de son environnement passé, mais aussi ses amis d'enfance : Dovid (Alessandro Nivola ) et Esti (Rachel McAdams).

Pour son premier long métrage en langue anglaise, Sébastian Lelio n'oublie pas ses thématiques se rapportant à l'identité et au genre. Comme pour ses précédents films, le cinéaste écrit des personnages déboussolés, enfermés dans une vie qui ne leur correspond pas. Dans "Désobéissance", le trio de personnages lutte à sa manière pour concilier désirs personnels et obligations familiales. Avec sa co-scénariste, Rebecca Lenkiewicz ("Ida"), Lelio développe avec minutie les enjeux de ses protagonistes. Le récit s'enrichie au fil des scènes. Le metteur en scène fait monter la tension jusqu'au final où tous les sentiments sont mis à nu et où ses personnages semblent enfin libérés du poids qui les maintenait dans un état second.

A l'intérieur de ce récit d'émancipation, le réalisateur évoque le rapport parfois conflictuel à la religion, mais sans tomber dans la charge facile, la difficulté du deuil lorsque l'on se sent étranger dans sa propre maison et l'homosexualité.

Car "Désobéissance" est aussi le récit d'une histoire d'amour, celle de Ronit et Esti. La première cachant sous ses airs de femme libérée un profond mal-être et la deuxième, son attirance pour les femmes derrière sa dévotion religieuse. L'alchimie de leurs interprètes, Rachel Weisz et Rachel McAdams ne peut que capter le regard, tant elle impressionne par sa puissance et sa sincérité. Les deux actrices complètement investies dans leur rôle arrivent à transmettre toute la complexité et le lien émotionnel d'Esti et Ronit. Rachel Weisz donne toute sa fougue et sa sensibilité à Ronit, alors que Rachel McAdams prouve une fois de plus la force dramatique de ses performances en rendant un personnage difficile à cerner dans le livre, vulnérable et digne à l'écran.

Sébastian Lelio filme ses actrices avec amour. Sa caméra n'est jamais intrusive. Il arrive à éviter le fameux "male gaze" (regard masculin représentant les femmes uniquement comme objet de désir à l'adresse des hommes), trop souvent présent lorsqu'il est question d'amour au féminin. La scène de sexe est d'ailleurs un modèle du genre où l'émotion est préférée à l'érotisme outrancier. Car, non, les scènes de sexe entre femmes ne sont pas obligées d'être des présentations du kamasutra lesbien !

Si on oublie sa conclusion frustrante, "Désobéissance" est une nouvelle réussite du cinéaste chilien Sébastian Lelio. Un film riche et subtil sur l'acceptation de soi, le désir, la religion et le deuil, porté par un trio d'acteurs remarquable : Rachel Weisz, Rachel McAdams et Alessandro Nivola.

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