Critique film
Publié le 18/06/2018 à 13h58 par Kévin Aubin
La Douleur
5 /10

Juin 1944, la France est toujours sous l’Occupation allemande. L’écrivain Robert Antelme, figure majeure de la Résistance, est arrêté et déporté. Sa jeune épouse Marguerite, écrivain et résistante, est tiraillée par l'angoisse de ne pas avoir de ses nouvelles et sa liaison secrète avec son camarade Dyonis. Elle rencontre un agent français de la Gestapo, Rabier, et, prête à tout pour retrouver son mari, se met à l’épreuve d’une relation ambiguë avec cet homme trouble, seul à pouvoir l’aider. La fin de la guerre et le retour des camps annoncent à Marguerite le début d’une insoutenable attente, une agonie lente et silencieuse au milieu du chaos de la Libération de Paris.

Emmanuel Finkiel commence sa carrière en tant qu'assistant-réalisateur, ce qui lui permet d'apprendre auprès de grands noms du cinéma comme Jean-Luc Godard et Bertrand Tavernier. En 1995, il passe derrière la caméra et réalise un court-métrage, Madame Jacques sur la Croisette. Ce court est primé dans de nombreux festivals, et en 1999 il réalise son premier long, Voyages. Ce premier film lui vaut également de nombreuses récompenses. Parallèlement à sa carrière de réalisateur, il est occasionnellement acteur.

En 2018, il revient avec sa cinquième réalisation, le drame La douleur, libre adaptation du texte autobiographique de l'écrivaine Marguerite Duras. Adapter une telle œuvre au cinéma n'était pas chose aisée. Si le film est fidèle au matériau d'origine, peut-être eusse-t-il fallu que le réalisateur s'en émancipe quelque peu. Avec un récit abrupt et déconstruit sur la douleur de l'absence, le film est une lente et longue plongée avec Marguerite Duras. Le spectateur y est attaché dès les premiers instants pour ne plus la quitter. Ainsi, tel un livre ouvert, cette femme nous raconte son agonie suite à l'absence de l'être-aimé. Très fort psychologiquement, on ne peut qu'être saisi par la douleur vécue de l'écrivaine qui transparaît dans chaque scène. Des scènes qui même fortes émotionnellement s'enchaînent de façon monotone et monocorde. L'histoire n'a aucun enjeu si ce n'est celui de montrer la douleur de son personnage principal. Alors certes c'est bien évidemment tout le propos du film mais sur deux heures de temps cela finit par lasser. Surtout que d'autres enjeux tentent tant bien que mal d'exister notamment les relations que Marguerite entretient avec deux hommes diamétralement opposés. Mais au final, ces enjeux n'apportent pas grand-chose puisqu'ils ne sont que prétexte à faire avancer l'histoire. Une histoire qui peine à se renouveler et qui tourne vite en rond. Résultat, le spectateur n'arrive jamais vraiment à s'immiscer dans cette histoire et reste en retrait. L'ennui est malheureusement au rendez-vous.

La faute à une réalisation en demi-teinte. La mise en scène avec un classicisme évident mais assumé est visuellement intéressante à regarder mais un peu trop lancinante, les décors parisiens retranscrivent bien l'ambiance d'époque de la seconde guerre mondiale, la photographie est froide avec des couleurs pâles et même si elle participe à créer une atmosphère étouffante voire anxiogène pour montrer la douleur, le spectateur peut-être quand à lui réfractaire et mis trop en retrait à cause de cela, et la bande-son est faite uniquement de sons stridents à la limite du supportable. Une réalisation qui insinue la douleur au spectateur mais peut-être un peu trop. Difficile à appréhender.

Le principal atout du film est sans conteste le choix de Mélanie Thierry pour incarner cette grande dame de la littérature française que fut Marguerite Duras. Quel plaisir de retrouver cette actrice parfois trop rare au cinéma. Présente sur tous les plans, elle joue à la perfection le rôle d'une femme pudique, intelligente et sensible. Toute en simplicité, elle capte l'attention du spectateur, qui avec elle, vit et ressent sa douleur. Pour l'accompagner, on retrouve Benoît Magimel et Benjamin Biolay dans des rôles sobres et efficaces. Malheureusement, leurs personnages manquent de consistance et sont vite éclipsés par Marguerite Duras campée par Mélanie Thierry.

Pour sa nouvelle réalisation, Emmanuel Finkiel signe un drame qui met le spectateur sur la touche. Adapter l'œuvre autobiographique de Marguerite Duras au cinéma n'était peut-pas la bonne idée au vu du résultat. Mieux vaut se pencher sur l'ouvrage. Reste une très belle interprétation de Mélanie Thierry.

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