Ce remake de "Silent Hill 2" n'a pas été pris en charge par les équipes de développement de Konami japon mais par les polonais de Bloober Team. Spécialistes du jeu d'horreur psychologique (l'adaptation réussie de Blair Witch Project, c'était eux !), ces développeurs ont toujours ouvertement voué un culte au chef d'oeuvre de Konami jusqu'à ce jour où le remake officiel leur a été directement confié ! Quel honneur, mais aussi quelle pression : on sait que les fans hardcore sont aux aguets, particulièrement sensibles au moindre écart pouvant entâcher ce monument vidéo-ludique. Ô surprise ! Malgré un épisode marketing chaotique qui pouvait largement faire douter de la qualité du produit final, cette version 2024 parvient à satisfaire les fans de la première heure et à épouvanter les nouveaux venus...

"Silent Hill 2", c'est d'abord une histoire d'amour : James reçoit un jour une lettre de sa défunte femme Mary l'enjoignant de se rendre à Silent Hill pour la retrouver... Vous avez dit bizarre ? Fatalement, il se retrouve dans une version de l'enfer tel qu'il n'aurait jamais cauchemardé! Plongée dans un épais brouillard, suffocante sous la pourriture ou la rouille et peuplée de monstres innommables, "Silent Hill" réserve de nombreuses surprises et de nombreuses frayeurs, même à ceux qui connaissent le jeu original de 2001 sur le bout des ongles !

Car Bloober Team, en bon équilibriste, a tenté de dépoussièrer le mythe tout en respectant ce qui en faisait son essence. Et on peut dire que la mission est parfaitement réussie : "Silent Hill 2 Remake" respecte, à n'en pas douter, le jeu original mais sait apporter de subtiles et nécessaires améliorations... Si l'histoire ne change pas dans ses grands traits, en revanche, les dialogues ont été repensés, enrichis et des petits documents sont à réunir (expliquant de nombreux points obscurs, mais ne donnant pas toutes les réponses non plus...)... Bref, de quoi déjà surprendre le joueur blasé. Si vous ajoutez à cela une nouvelle caméra à l'épaule et de nouveaux comportements concernant les ennemis (certains grimpent au plafond!), vous comprendrez que la Bloober Team a souhaité mettre ce remake au niveau de ce qu'on attend d'un jeu d'horreur en 2024. Mieux, la ville de Silent Hill est désormais pensée comme un grand tout, avec des zones à visiter interconnectées : on ouvre les portes, on visite, on ressort... Pas de coupures ni autre temps de chargement ! L'immersion est totale mais est à double tranchant : les monstres vous poursuivront sans relâche, quitte à s'introduire à travers un trou ou une fenêtre... et il n'est pas simple d'en venir à bout ! Soyez averti : ce remake est difficile, les chimères sont nombreuses et tapies dans le noir, partout, tout le temps... C'était déjà flippant, c'est maintenant oppressant, pour notre plus grand plaisir. Même si James a gagné une esquive au passage, il faudra compter sur des armes au potentiel destructeur limité et sur des munitions en faible nombre. Dans tous les cas, aucun affrontement n'est gagné à l'avance, tout est toujours tendu et bien souvent, les combats se font dans l'obscurité la plus totale ! L'ambiance oppressante est montée d'un cran avec ce remake, claustrophobiques s'abstenir...

Les puzzles ne sont pas pour autant oubliés et semblent encore plus nombreux qu'avant : ils nécessitent à la fois de la jugeotte et de la persévérance, tant les indices peuvent être éparpillés aux quatre coin de la map. Il ne faudra pas avoir peur de quelques aller et retour pour parvenir à enclencher un mécanisme ou à ouvrir une porte récalcitrante, d'autant que les créatures rôdent, inévitablement... Grâce à la carte, régulièrement mise à jour si vous faites le nécessaire, vous pourrez vous y retrouver (les annotations se font en temps réel...) mais, attention, sa consultation ne suspend pas pour autant le temps dans le jeu : il faut donc y jeter un œil quand la voie est libre et dégagée.

Beau, voire très beau avec ses textures affolantes de précision (et de crasse), "Silent Hill 2 Remake" ne lésine pas sur ses effets. Tout est bon pour écoeurer le joueur et le mettre mal à l'aise, parallèlement aux thèmes matures abordés. Si le bestiaire manque toujours autant de variété, il faut admettre que la ville a gagné en épaisseur (à l'image de son brouillard persistant...) et en cohérence grâce à son approche plus ouverte et décloisonnée. En fait, seuls les visages des différents protagonistes et leurs animations générales pourraient faire tiquer les puristes, mais il n'est pas interdit de penser que cette vision "rétrograde" permet aussi d'honorer le jeu de base et le travail de la Team Silent. Une sorte de petit côté vintage...
Enfin, comment ne pas évoquer la sublime partition d'Akira Yamaoka ? Fidèle au poste, il a (re)mis ses tripes et son âme dans l'OST culte de "Silent Hill 2" et ses effrayantes digressions sonores : flippantes du début à la fin, elles participent largement au malaise éprouvé et à la tension générale.

Avec ce Remake, la Bloober Team a parfaitement su s'affranchir de l'oeuvre originale tout en la respectant. Le lore est approfondi, les indices se succèdent mais, d'un autre côté, le mystère s'épaissit... Ce travail d'équilibriste, sous la houlette bienveillante de l'équipe originale de Konami, permet de proposer une véritable relecture de ce jeu culte, une sorte de mise à jour indispensable à toute culture vidéo-ludique qui se respecte. D'ailleurs, le jeu est bien plus long que l'original, plus dilué : certains passages auraient mérité plus de concision, mais on ne s'en plaindra pas au final. Et pour les complétistes, les multitples fins sont de la partie ! Plus de 20 ans après sa sortie sur PS2, "Silent Hill 2" reste un monument incontournable pour tout ceux qui sauront braver leurs phobies et n'hésiteront pas à se regarder dans le miroir... tout comme James finalement.